lundi 24 décembre 2012

Armée et démocratie



Israël est considéré comme un pays à part car son armée est populaire et constituée en majorité de conscrits. Il y règne l’une des plus grandes démocraties parlementaires du monde parce que, historiquement, les juifs ont souvent souffert en exil d'être écartés des arcanes du pouvoir sous prétexte qu’ils étaient des sous-humains. Le soldat israélien est imbriqué dans le peuple et le peuple est solidaire de son armée.

Obéissance au pouvoir politique

Mais l’une des règles de la démocratie occidentale est l’obéissance des militaires au pouvoir civil. Dès lors où des élections démocratiques mènent des représentants du peuple à la Knesset, la loi de la majorité s’applique et le gouvernement librement élu détient les pouvoirs que la Constitution ou les Lois Fondamentales lui confèrent. Il peut exister, en Israël en particulier, une porosité qui entraine des anciens hauts gradés à devenir ministres de la Défense et des conflits répétitifs car les attributions se chevauchent.
La plupart des démocraties occidentales ont pallié ce risque en confiant la Défense à un civil qui décide en dernier ressort des options militaires proposées par l’État-Major, compte tenu des implications diplomatiques que l’armée n’est pas censée connaitre. Il est vrai que la jurisprudence d’Ariel Sharon qui a désobéi à ses chefs durant la guerre de Kippour plane toujours sous forme d’exemple pour ceux qui veulent contester des décisions militaires. Mais c’est une exception qui ne doit pas se reproduire si les chefs militaires sont choisis parmi les meilleurs, pour ne pas dire parmi les génies.
 
 
Les chefs militaires en 1955
 
Mais en Israël, surtout en période électorale, l’armée est prise en otage par des hommes politiques qui veulent l’instrumentaliser à des fins partisanes. L’inconscience de certains dirigeants les pousse parfois à prôner la désobéissance, en particulier à l’occasion du désengagement de Gaza décidé par le pouvoir civil. Le meilleur moyen de casser l’unité d’un corps institutionnel exceptionnel se paie alors très cher et les plaies restent béantes. Pourtant le principe est simple à assimiler : Le politique décide et l’armée obéit car la majorité politique impose sa loi. Tout refus ou contestation mène à l’anarchie. Dans le cas contraire le putsch des généraux guette à l’instar de celui qui a divisé les français en Algérie en 1961. Les dirigeants politiques ont la responsabilité de ne pas engendrer des soldats "perdus".
 
 
Algérie, le putsch des généraux d'avril 1961

Langue de bois

A l’occasion d’une interview à la télévision le 21 décembre, le chef de file du parti Habayit Hayehudi, Naftali Bennett, avait maladroitement affirmé qu’en tant que major de réserve de l’armée, il refuserait d'évacuer les implantations ou les avant-postes s'il recevait des ordres en ce sens durant sa période de réserve. Il a ainsi soulevé un tollé dans lequel se sont engouffrés ses adversaires. Ces propos dénotent un manque d’expérience politique dans un monde traditionnellement voué à la langue de bois de rigueur. Par manque de rodage politique, il s’est trouvé face à une presse à la recherche de scoop jusqu’à le pousser à la faute. Habitué à la franchise devant les investisseurs ou le gendarme de la Bourse, il ne s’est pas rendu compte que la question fût piégée avec des résonnances politiques. N’est pas diplomate qui veut. Trop occupé à s’adresser à l’aile la plus à droite du Likoud, il s’est laissé aller à des confidences trop franches.
 
 
Naftali Bennett s’est trouvé contraint de démentir ou d'atténuer des propos maladroits tenus dans la fougue du direct d’une émission de télévision où il faut savoir tourner sa langue avant de s'exprimer. Il était trop occupé à capter l'attention d'un maximum de nouveaux électeurs. Il a donc nié avoir appelé à l'insubordination : «L'ordre d'arracher de sa terre un village arabe ou une localité juive est une atteinte vitale aux droits de l'Homme les plus élémentaires. C'est un dilemme trop dur. Je prie de tout mon cœur pour qu'un tel ordre ne soit plus jamais donné, mais s'il n'y a pas le choix, je le dis clairement : un soldat doit exécuter les ordres de l'armée ». Dont acte. Il a corrigé le tir mais il n’effacera pas le doute sur son éventuel comportement en cas de décisions douloureuses imposées par le gouvernement.

Menace sur la démocratie



Benjamin Netanyahou, fin politique, n’a pas raté l’occasion de donner une leçon à ce «jeunot» qui lui prend chaque semaine des sièges à la Knesset. Lancé avec un potentiel de 6 députés, Bennett est crédité aujourd’hui de 12 mandats le plaçant en troisième position des partis israéliens, et cela au détriment du Likoud avec qui il partage les mêmes électeurs et la même idéologie. Le premier ministre a donc fustigé ceux qui désobéiraient à l'armée en cas d'évacuations d'implantations en Cisjordanie : «Celui qui défend l’insubordination ne servira pas dans mon cabinet. Les discussions sur le refus d’ordonnance étaient très graves. Le bien-être d’Israël dépend du respect de Tsahal ». Cette mise en garde s’adressait aussi aux membres de son parti comme Moshe Feiglin qui préconisait également le refus des ordres de Tsahal d’évacuer les implantations.
Certains prétendent que le soldat n’est pas tenu d'exécuter des ordres pouvant être considérés comme excessifs. Cela est valable dans un régime dictatorial où un seul homme, parfois à la limite de la folie, impose ses directives. En Israël il y a plusieurs garde-fous. Netanyahou ne décide pas seul puisque ses propositions doivent obtenir l’agrément de la majorité des voix ministérielles. Et si le gouvernement dérape alors, il peut être repris par la Knesset qui a pouvoir de le renverser si elle estime ses actes non conformes à l’intérêt du pays. Le peuple a toujours le dernier mot.

Cérémonie au Kotel




L’armée est trop précieuse en Israël pour qu’elle soit impliquée dans les joutes oratoires des candidats. Son éclatement pour des motifs purement politiques ne ferait le jeu que des ennemis arabes.


Source Tribunejuive.info