mardi 29 janvier 2013

Hamoshava Hagermanit, le Neuilly de Jerusalem

Emek Refaim 15. A typical German Colony residence.

Un des quartiers les plus huppés de Jérusalem est la colonie allemande, Hamoshava Hagermanit. Son nom ne dérive pas de l’immigration des Juifs allemands dans les années 1930 après la montée au pouvoir d’Hitler. Il fait référence à un événement vieux de plus de 150 ans : la fondation de la Société du Temple allemand, les Templiers, un groupe de missionnaires luthériens qui pensaient faire ressusciter Jésus en colonisant la Ville Sainte.

La Société établit alors des colonies en différents endroits de Palestine, alors partie de l’empire ottoman. La dernière d’entre elles, Waldheim, est fondée au cours de l’année 1908, dans les environs de Nazareth.

En tout, les Templiers comptent 6 colonies à leur actif au début du 20e siècle : Waldheim, Sarona à Tel-Aviv, Wilhelma près de Yaffo, et les colonies allemandes de Bethléem, Haïfa et Jérusalem. Celle de la capitale est la troisième à s’établir en Palestine, Haïfa étant la toute première.

La colonie hiérosolomytaine est agricole, construite sur des terres en jachère à l’extérieur de la Vieille Ville. Elle voit le jour en 1873, quand un des Templiers, Matthaus Frank, achète une large bande de terre dans la vallée de Refaim, à un propriétaire terrien de Beit Safafa, village situé au sud-ouest de la ville.

Les Templiers sont des chrétiens qui ont fait scission avec l’Eglise protestante et ont encouragé leurs membres à s’installer en Terre sainte pour préparer l’ère messianique. Leurs bâtisses se distinguent par une architecture empruntée au style allemand, original dans la région : des maisons de campagne d’un ou deux étages, aux toits de tuile en pente et fenêtres à volets. Les murs extérieurs sont en pierre de Jérusalem, et non en briques ou en bois comme en Allemagne.

Les Templiers se sont engagés dans l’agriculture et le commerce traditionnel. Leurs maisons s’étendent principalement sur deux rues : Derekh Beit Lechem et Emek Refaim. Une des images les plus connues reste la vue depuis l’hôpital Augusta Victoria, sur le Mont Scopus, un palace qui, selon les dires, était originairement construit par la Société qui avait le projet d’y établir son siège en Palestine. Mais quand les Anglais prennent le contrôle du pays en 1917, ils jettent leur dévolu sur le complexe luxueux qu’était Augusta Victoria. Puis, avec la construction à la fin des années 1920 de la résidence du hautcommissaire en Palestine, le palace reste vide.

Pendant la seconde guerre mondiale, les Templiers et leurs descendants seront envoyés en Australie, considérés comme « ennemis ». Et les riches familles arabes installées dans le quartier fuient le pays de gré ou de force pendant la guerre d’Indépendance.

Pendant longtemps, les Templiers allemands ont peuplé les rues de Jérusalem en développant l’agriculture.
Aujourd’hui, le quartier qu’ils ont construit est haut de gamme et se nomme la « Moshava ».

Traversé par Emek Refaim, il a vu fleurir tous les restaurants et cafés branchés de la capitale.
Après la guerre d’Indépendance, les propriétés vides ont été disséquées en appartements pour les nouveaux immigrants.
Par conséquent, le quartier, à l’origine riche et bourgeois, est devenu un repaire plutôt malfamé.

Mais l’inattendu s’est produit. Malgré les partitions et dissections, les maisons ont gardé leur beauté et leur charme.
En un mot : leurs vieilles structures élégantes. De sorte que les acheteurs de Jérusalem ont commencé à s’approprier ces biens en restaurant leur gloire de jadis. Désormais, tous les habitants y sont plutôt aisés.
Dans la plupart des demeures restaurées, des efforts ont été faits pour conserver l’architecture de base comme les fenêtres en arches et les toits de tuile.

La colonie allemande est majoritairement anglophone : jeunes couples, familles et célibataires, résidents permanents ou visiteurs. Le quartier abrite aussi le théâtre Smadar, cinéma artistique du coin et lieu de rencontre pour les jeunes.

L’influence des Templiers allemands, puis des riches chrétiens, et enfin des membres du gouvernement britannique saute aux yeux dans ce quartier aux styles pluriels : une architecture issue de l’empire ottoman et de l’art déco anglais de la période mandataire.

Un bon exemple de l’architecture anglaise reste l’hospice écossais et l’église Saint-Andrew, construite en 1927 et décorée de tuiles arméniennes ornées. Les rues de la colonie allemande portent des noms de partisans du sionisme et du peuple juif. Comme : Emile Zola, pour sa défense du capitaine Dreyfus, l’ancien président Tchèque Tomas Masaryk et l’ancien premier ministre sud-africain Jan Smuts. Sans compter les nombreux noms britanniques comme David Lloyd George, l’ancien chef du parti travailliste Josiah Wedgwood, le colonel John Patterson, commandant de la légion juive de l’armée britannique pendant la première guerre mondiale, et le général anglais sioniste Wyndham Deedes.

Ces jours-ci, l’immobilier dans la colonie allemande se réchauffe, selon Yoel Zalcman, professionnel du quartier. « Beaucoup désirent vivre dans la colonie allemande. A la fois parce que c’est central et pastoral. Ainsi la demande est importante. L’offre, a contrario, est limitée. Personne ne veut vendre son bien.

Pourtant, malgré l’écart important entre la demande excessive et l’offre faible, les prix restent stables. Ils sont si élevés qu’ils ont atteint leur plafond ».

Une vieille maison rénovée avec jardin peut s’élever jusqu’à 4 millions de dollars. Les appartements dans les vieilles demeures se négocient entre 10 000 et 12 000 dollars le mètre carré. Contre 7 500 dollars seulement pour un appartement standard. Et les différences de prix peuvent s’élever à 30 % selon les critères environnementaux : calme et verdure.