mardi 28 mai 2013

Les Bani Israël, des musulmans d'origine juive au Sénégal



Dougoutigo Fadiga, bien que manifestant un sens de l'hospitalité poussé à l'extreme, ne veut pas que les étrangers s'approchent de l'arbre sacré du village dans le bush sénégalais, un arrière pays peu habité.
"Cet arbre est sacré", commente Dougoutigo Fadiga, le chef de ce village de 4000 âmes.

"Il a été planté par Jacob, notre ancêtre juif quand il s'est établi ici il y a un millier d'années".
L'arbre, un kapokier luxuriant, surplombe les buissons desséchés du village des "Enfants d'Israël", à l'est du Sénégal, près de la frontière malienne.
Les habitants pourtant, se disent tous musulmans, même si le nom de leur tribu, Bani Israël, signifie "enfants d'Israël"; ils revendiquent d'ailleurs le fait d'être les descendants de deux clans, Sylla et Drame, directement issus des juifs d'Egypte.
"Nous sommes tous des musulmans pratiquants et nous ne voulons pas devenir juifs", précise Fadiga.
"En fait, nous ne voulons pas trop parler de nos origines juives, mais nous ne les cachons pas. Nous savons que notre peuple est venu d'Egypte en Somalie, puis vers le Nigéria. Les deux familles se sont alors séparées, l'une entrant au Mali, l'autre en Guinée, et nous nous sommes installés ici".

Difficile de faire la part des choses mais l'Afrique de l'ouest a une présence juive depuis au moins le quatorzième siècle: des marchands juifs ont établi des commerces à Tombouctou, au Mali, fuyant l'Inquisition en Espagne et au Portugal, puis plus tard en provenance du Maroc.
Selon Gideon Behar, ancien ambassadeur d'Israël au Sénégal, la présence juive dans la région a été permanente jusqu'en 1943, après que la dernière implantation juive ait été démantelée suite aux instructions du dictateur fasciste portugais Antonio de Oliveira Salazar.
Selon lui, l'exemple des Bani Israël est étonnant mais il y a d'autres cas, moins connus, de tribus influencées par la présence juive dans la région.

Cette présence historique aurait induit des "traces juives" : des instruments de musique traditionnels décorés de symboles juifs, comme des mots du Wolof, un langage largement pratiqué au Sénégal, qui comprend des sonorités plus proches de l'hébreu que de l'arabe, qui a plus largement inspiré les idiomes parlés dans les pays voisins.
Ainsi sage se dit "Haham", et un tisserand – métier noble – rab, proche de rav; on peut entendre d'autres mots comme "lekhi".

Les "Enfants d'Israël" ont en commun avec les juifs le rejet du mariage "mixte" : selon Fadiga, leur communauté fait tout pour ne pas s'assimiler, et organise des mariages entre tribus voisines de mêmes pratiques.
Mais l'origine juive revendiquée par la tribu ne plait pas à tout le monde : ainsi l'l'écrivain sénégalais Abdoul Kader Taslimanka rejette la croyance de ses origines par la tribu, estimant qu'elle tire son nom "d'un passage du Coran".
Le village est en tous cas plus évolué que bien d'autres : les maisons y sont en briques – au lieu de boue séchée – et dispose d'un dispensaire médical et d'un générateur électrique.
Un luxe financé par un millier de membres de la tribu qui ont émigré vers Dakar, la capitale, ou la France, et qui envoient chaque mois une contribution financière.
Les dons sont affectés à un fonds utilisé pour des investissements en matière de santé ou d'éducation pour les enfants de toute la région.


Source Israel Infos