jeudi 26 février 2015

Quand Dali parle au pied de son « Mur des lamentations »

<i>Le Mur des lamentations (détail), </i>Salvator Dali, 1975. <i/>
 
L'artiste fait lui-même sa promotion. «C'est la première fois que cela m'arrive pour une œuvre que je vends!», s'exclame Élie Morhange. Le commissaire-priseur de la maison Kapandji-Morhange tiendra le marteau pour les enchères du tableau de Salvador Dali, Le Mur des lamentations, estimé 400 000 à 500 000 euros, le 27 mars à Drouot...

 
Or le peintre s'est mis en scène lors d'une séance de signature grandiloquente (dalinienne?) de cette toile, posée devant une grosse cylindrée dans une suite de l'hôtel Meurice, à Paris, le 1er mai 1975, face à un journaliste d'Antenne 2, comme on appelait alors France 2.
«Je signe cet original qui a donné lieu à des “virtuosismes de réponction” que moi, j'appelle, topologiques», déclare-t-il dans un vocabulaire surréaliste qu'il a inventé, juste avant d'apposer son nom et l'année au bas de la lithographie. La séquence a été immortalisée dans une vidéo de l'INA, toujours accessible sur Internet, qui sera projetée à Drouot lors des deux jours d'exposition prévente, les 26 et 27 mars. 

Gala et Dali

Salvador Dali a abondamment écrit, composé, peint sur le judaïsme et sur l'État d'Israël. De 1950 à 1980, par amour pour Gala, son épouse, sa muse, Juive d'origine russe, il a créé plus de 250 œuvres sur ce thème, gouaches, gravures, sculptures, bas-reliefs, médailles et bijoux.
«Il n'y a pas d'autre artiste de réputation internationale qui, n'étant pas juif, s'exprima si fortement sur le peuple juif et son histoire à travers son art visionnaire!», affirmera même l'ancien président de l'État hébreu, Moshe Katsav, à l'occasion d'une exposition en 2002.

«Je n'aime que l'histoire»
La vente de ce Mur des lamentations résonne singulièrement dans le contexte actuel, où Benyamin Nétanyahou, le premier ministre israélien en campagne pour un nouveau mandat, ne manque pas une occasion d'appeler «les Juifs de France et d'Europe» à rejoindre la «Terre promise».
Or, l'entretien court, incisif de Salvador Dali n'en est que plus percutant. «Est-ce que vous avez envie de faire de la politique?», lui demande Bernard Pradinaud. «Pas du tout (…).


Gala et Dali

La politique d'après moi, c'est l'anecdote misérable de l'histoire. Et moi je n'aime que l'histoire», rétorque l'artiste, guttural, tout en costume et moustache, en roulant les «r» et ses yeux. Le journaliste le pique: «Et qu'est-ce que vous pensez de la violence physique?»«Laquelle? Vous parlez du football?» «Toutes les violences», précise Pradinaud, en évoquant peut-être l'invasion israélienne au Liban dont la guerre civile commence cette année-là et durera sept ans.
Alors Dali répond, dans une phrase définitive: «Toute celle qui sert à aider l'imagination est bonne. Et celle qui sert à l'abaisser est mauvaise.» Ce qui fait dire au commissaire-priseur que «ce tableau n'est pas que “judaïca”. Mais une réflexion sur l'histoire». À méditer.
Source Le Figaro