dimanche 28 juin 2015

Mohammad Darawshe, un héros arabe pour Israël ?

 
Coolisrael a rencontré Mohammad Darawshe du Centre Givat Haviva consacré au dialogue entre les communautés juive et arabe en Israël et à la paix au travers de programmes éducatifs....Entretien...

Pouvez-vous présenter la mission et l’approche du programme vedette « Shared Society » (une société partagée) dont vous êtes le directeur à Givat Haviva?
Dans ce programme, il y a trois étapes qui correspondent à trois approches différentes:
La première est la traditionnelle « théorie du contact » (« contact theory ») qui consiste à faire de l’autre un humain, et à rompre avec les stéréotypes de perception.

La deuxième consiste à créer des dénominateurs communs. Nous l’utilisons pour montrer les buts que partagent nos élèves. Par exemple, nous réfléchissons aux questions d’ordre environnemental, ce qui les pousse à comprendre que nous partageons le même environnement et le même espace publique. De même pour le système éducatif, les universités, le marché du travail : nous avons beaucoup de buts en commun et ce sont ces buts qui doivent nous unir.
La dernière est la « théorie de la confrontation » (“confrontation theory”) qui s’adresse à une audience adulte ou à des jeunes avec un fort potentiel de leadership, capables de discuter des problèmes que nous soulevons. Nous discutons notamment des récits historiques : « qui a fait quoi à qui en 1948 ? », et nous faisons en sorte d’aborder tout ce qui pose problème afin de mener un débat honnête et ouvert.
C’est pour cette raison que ce n’est pas accessible à tous mais plutôt à ceux qui disposent d’un fort potentiel intellectuel et d’un certain niveau de connaissance qui leur permettent de s’impliquer dans ce genre de discussion et de traiter de ces questions délicates. Sans ces forces, cela pourrait avoir l’effet inverse et nous enliser.


Comment reconnaissez-vous un enfant capable de traiter de ces questions de manière avisée?
Ils nous viennent des différents Conseils des Elèves ou de certaines écoles qui nous envoient une sélection de 10 à 15 élèves par classe. Mais la plupart du temps, le leadership est une histoire de sélection autonome, il n’est pas imposé par les autres.
Nous recevons aussi des militants issus de mouvements de jeunesse car ils ont un degré de sensibilité différent des autres jeunes de leur âge, ils sont plus conscients.
Certains sont des élèves qui se destinent à l’enseignement et qui suivent des cours de préparation pré-Université à cet effet, et d’autres encore sont des élèves de 1ère et 2ème année universitaire.

Quelles sont les personnes auprès de qui vous intervenez ? Comment procédez-vous plus précisément?
Les trois niveaux d’intervention s’appliquent à la fois à l’espace scolaire et à la communauté dans son ensemble. Tout le monde est concerné.
La première approche, par exemple, nous permet de mettre en contact des groupes de femmes ou des aînés à qui l’on donne l’occasion de travailler, de réfléchir, et d’interagir ensemble.
La deuxième approche consiste en la construction de connaissances (« skills building ») : nous encourageons le développement de talents ou de compétences. Par exemple il existe un groupe de photographie où s’inscrivent ceux qui partagent l’amour de la photo et qui souhaitent s’en servir pour apprendre à se connaître. C’est un moyen de découvrir et d’approfondir nos dénominateurs communs.
La troisième approche favorise le dialogue. Nous faisons intervenir des maires sur des sujets comme le découpage des zones, les frontières entre les villages, les transports en commun… tout ce qui est susceptible de faire l’objet de nouvelles politiques. Nous prenons en compte le tableau dans sa globalité.
Comme nous œuvrons en faveur du changement social, nous ne nous adressons pas seulement aux récipiendaires directs de nos programmes mais plutôt nous cherchons à atteindre toute la communauté, à savoir toute la société israélienne, Arabes et Juifs tous confondus.


Quelles sont les villes partenaires?
Actuellement il existe 4 couples de villes mixtes (arabes et juives) dans le cadre de notre programme vedette «Shared Society».
Le conseil régional de Menashe est en partenariat avec Baqa al-Gharbiyye; Karkur est avec Kfar Qara; Maali Eron avec Megido; Katsir et Harish avec Arara.
Nous nous concentrons sur le Triangle parce que nous ne voulons pas sauter d’un endroit à un autre. Cette année, nous avons prévu d’étendre notre activité à quelques autres petites villes.
À présent nous faisons face à une augmentation de la demande avec des villes qui nous démarchent dans l’espoir d’établir une bonne entente entre villes voisines, laquelle s’appuie sur les trois points complémentaires suivants:
-la communauté, soit la mise en relation des participants, que ce soit les groupes d’enfants, de femmes, ou d’adultes; pour ceci nous mobilisons la théorie du contact;
-l’intérêt commun, soit le partenariat entre municipalités et entre régions. Les intérêts municipaux comprennent notamment un espace de discussion pour le tourisme, un autre pour le développement commercial, un autre pour la coopération et l’action conjointe des ONG. Ici c’est l’esprit qui travaille, pas le cœur: chacun comprend qu’en unissant leurs forces ensemble, ils servent aussi leurs propres intérêts.
-Le dialogue des leaders, soient les maires, professeurs, responsables du service social, urbanistes, ingénieurs, etc, car il est impossible de résoudre le problème seul, et il s’agit donc de mobiliser les communautés juives et arabes voisines.

Vous avez rencontré le Président Reuven Rivlin: comment a-t-il accueilli votre projet?
Lorsque je me suis entretenu avec le Président Reuven Rivlin, je lui ai présenté l’état des relations entre Juifs et Arabes. Nous avons commencé à parler de coexistence, c’est-à-dire l’interaction entre les gens. Puis nous avons abordé les partenariats. Aujourd’hui nous savons que c’est aussi une question d’égalité. On ne peut pas parler de coexistence en pensant à la coexistence entre un cheval et son cavalier. Bien sûr, cette coexistence est fantastique, mais à la fin de la journée, l’un rentre au box et mange de la paille, tandis que l’autre rentre au foyer et mange un steak. Ce n’est pas ce que nous souhaitons comme relation entre les deux communautés. Nous voulons une coexistence fondée sur l’égalité telle qu’établie par la Déclaration d’indépendance.
Quand vous parlez des relations entre Juifs et Arabes en Israël, il s’agit de négocier un accord de mariage. Nous allons partager les mêmes bus, les mêmes sièges à l’Université, les mêmes postes et le même marché du travail; nous devons nous soucier du même environnement, des mêmes prix à l’achat de maisons, des mêmes loyers. Nous sommes très interdépendants. Nous vivons à l’intérieur du même périmètre, donc nous devons construire ce partenariat qui doit se fonder sur l’égalité, la confiance mutuelle, l’intérêt mutuel, et la légitimité réciproque. La question est: «comment faire pour intégrer le fait qu’Arabes et Juifs soient tous ici [en Israël] chez eux et prêts à rester pour de bon?» Cette terre d’Israël contient suffisamment d’espace et de légitimité pour chacun d’entre eux.

Certaines de vos initiatives vont dans ce sens, notamment «Count My Vote» (Comptez sur mon vote). Pouvez-vous expliquer de quoi il s’agit?
Je suis de nature optimiste; je vois toujours le verre à moitié plein, si ce n’est plus. Mais je suis aussi pragmatique, ce qui veut dire que je n’oublie pas qu’il est aussi à moitié vide en même temps. C’est essentiel d’avoir une perspective d’ensemble. 

L’un des efforts que j’ai fournis ces derniers mois avait un objectif double. D’abord, rassembler pour dresser une liste commune arabe car nous estimons que pour réussir en politique en Israël en tant que minorité, il faut avoir un maximum de poids, ce que notre communauté peine à réaliser pour deux raisons. D’une part à cause de la fragmentation, soit un nombre excessif de divisions politiques qui se caractérisent par un grand débat dans la communauté arabe et par la transformation de la rhétorique en un discours radical. Chacun veut sortir du lot, être plus entendu, plus fervent, et finalement plus radical. Mais le radicalisme va à l’encontre de l’État d’Israël et du gouvernement. La liste commune a réussi à apaiser et modérer la rhétorique des partis arabes ces 4 derniers mois dans la mesure où ils ne sont plus amenés à se faire la compétition. Et d’autre part, à cause de l’abstention.
Ensuite, encourager le public arabe à s’engager en politique plutôt que d’attendre passivement que cela se passe tout en se plaignant de ne pas se voir accorder leurs droits. Cet effort a augmenté la participation arabe aux élections de près de 18%, si bien qu’elle est aujourd’hui de 65%. Cela montre que les citoyens arabes ont le potentiel pour s’engager et la volonté de participer à la politique.

Comment vos élèves passent-ils de la simple entente à l’action, ou du vivre-ensemble au faire-ensemble?
Il y a plusieurs étapes.
D’abord la création de rapports de confiance mutuelle.
Ensuite, l’acquisition de compétences («skills acquisition») nécessaires pour vivre ensemble dans une société partagée. Parmi elles, le bilinguisme permet de se comprendre mutuellement et rend donc possible le vivre-ensemble. La compréhension des lois qui régissent la société, et des droits qui permettent d’y réagir. Ce n’est pas juste une question d’acceptation de la réalité, mais plutôt toujours à la fois une question de légitimation de son droit à la remise en question de cette réalité. Moi-même je remets souvent en question la réalité israélienne. C’est toute la raison d’être d’une démocratie que de pouvoir la remettre en question dans les limites du cadre légal et de façon non violente, et c’est d’ailleurs comme ça que l’on reconnaît un bon citoyen. Un bon citoyen ne doit pas simplement rester docile. Plutôt, il se doit d’essayer de corriger les fautes partout où il les rencontre en convaincant la majorité que c’est la juste façon de procéder. Il est légitime de changer les choses à partir de 50% plus 1 voix en ma faveur.
Ainsi le développement de compétences est la capacité à résoudre des problèmes en intégrant les notions de légitimité à des fins d’engagement dans le débat social. Nous abordons la législation, l’organisation politique, la résolution de conflits, les récits historiques afin d’amener les uns et les autres à reconnaître et légitimer ces récits même s’ils ne les approuvent pas. Somme toute, nous construisons des compétences qui permettent de prendre en compte ces différents récits plutôt que de n’en considérer qu’un seul.
Enfin, l’établissement d’un consensus. Nous abordons ce sur quoi nous sommes d’accord, mais nous pouvons aussi extraire ce sur quoi nous ne sommes pas d’accord. Peut-être que notre génération ne pourra pas le résoudre. Souvent, il ne s’agit pas de changer quelque chose, mais d’y ajouter un élément. C’est ce que j’appelle la maturité. Ce n’est pas la remise en question de ce qui est, mais plutôt de ce qui n’est pas.
L’établissement d’un consensus passe avant tout par l’identification de ce sur quoi nous sommes d’accord et de notre idée de notre mission pour aujourd’hui et pour demain. La question que nous devons nous poser est: «que voulons-nous que soit Israël d’ici 50 ans?»; c’est plus facile que de se demander ce que nous voulons que le pays soit dès demain, ce qui reviendrait à se demander ce que nous voulons qu’il soit aujourd’hui même. En réalité il faut partir de 50 ans plus loin et revenir progressivement en arrière pour comprendre où il faudrait que nous en soyons d’ici 40 ans, 30 ans, 20 ans, etc. Tout le monde souhaite un futur sûr, sécuritaire, prospère, et égal. Lorsque l’on parle de futur lointain, tout le monde est idéaliste. Mais lorsque l’on commence à remonter dans le temps à partir de ce futur lointain, tout le monde comprend enfin le prix à payer pour cet idéal.

Votre optimisme indéfectible n’a d’égal que le pessimisme de ceux qui vous entourent. Quelles sont les résistances auxquelles vous avez été confrontées et comment les expliquez-vous?
Il me semble que l’une des premières raisons de ces résistances consiste à penser qu’engager le dialogue avec l’autre revient à trahir sa communauté.
En outre, les deux communautés pensent différemment. Là où la communauté juive se comporte avec une mentalité de minorité qui consiste à se surprotéger notamment en traçant très distinctement les frontières de son identité et de ce qui lui appartient ou ne lui appartient pas, la communauté arabe fait exactement le contraire. Elle est la véritable minorité mais se comporte avec une mentalité de majorité. Elle fait sans cesse référence à son appartenance à cette vaste mer arabe, ce vaste océan arabe, ce qui est très intimidant pour les Juifs qui finissent par considérer les Arabes non pas comme une minorité mais bien comme une extension de leur majorité. Voilà ce qui crée des résistances.
En outre, beaucoup de Juifs religieux ne souhaitent pas que des enfants arabes et juifs se rencontrent et engagent un dialogue car ils pensent que cela mènera à des mariages mixtes. C’est faire preuve d’une mentalité de minorité car ce sont les minorités qui ont souvent peur d’être assimilées à la majorité. Les majorités, au contraire, accueillent favorablement les mariages mixtes car ils permettent une meilleure assimilation.
D’autres se sont même opposés à la présence de professeurs arabes dans les écoles juives. Mais, fait surprenant, ceux qui étaient d’accord pour que leurs enfants se voient enseigner par des professeurs arabes ont exigé que ces maîtresses aient la tête couverte et ne soient pas vêtues de façon trop moderne afin que les enfants juifs pratiquants soient éduqués par des professeurs musulmans également pratiquants.
Dans le système arabe, la résistance est issue de cette perspective historique qui considère que la coexistence consiste à maintenir cette relation entre le cheval et son cavalier que nous avions évoquée plus haut. C’est le sentiment qu’il s’agit d’une tentative de maintenir les Arabes satisfaits des petits accomplissements et de leur faire oublier la véritable nature de l’égalité. En ce qui me concerne, j’ai choisi de manifester mon désaccord car j’estime que c’est mon travail que de remettre en question la réalité, à condition de le faire de façon construite, dans un effort d’accomplissement. C’est comme ceci que j’ai procédé au sein du comité de planification stratégique du Conseil pour le Développement Economique des Minorités («Authority for Economic Development of the Minority») lorsque nous nous sommes réunis dans le cabinet du Premier Ministre.
Avant de parvenir à lancer le programme «Associés à vie» («Life Partners») qui consiste à entraîner des femmes arabes afin de les intégrer au marché du travail, j’ai essayé de convaincre le gouvernement de l’adopter pendant 6 ans. Tout le monde me disait que je pouvais toujours rêver. Enfin, le Ministère de l’Économie a fini par l’adopter et par le déployer bien au-delà des 6 villes de départ, jusqu’à atteindre 49 villes aujourd’hui. Chaque année, dans ces 49 villes, environ 2500 femmes arabes bénéficient d’un enseignement pour apprendre à travailler et à chercher du travail.72% d’entre elles trouvent du travail et, du statut de chômeuses permanentes, deviennent aptes à générer des revenus pour leurs foyers.
Je n’ai pas convaincu le Parlement en expliquant comment cela profiterait à la communauté arabe. Je les ai convaincus en leur montrant comment l’économie en profiterait: en les sortant du cycle de l’assistance sociale et en les inscrivant sur la ligne des générateurs de revenus, cela supprime des dépenses et fait rentrer des recettes pour le gouvernement dans la mesure où ces travailleuses payent des taxes. Elles ne sont plus bénéficiaires d’aides sociales et deviennent des contribuables.

Vous ne faites pas de différences entre les différents groupes au sein même de la communauté arabe car vous souhaitez intervenir auprès de tous, pourtant vous avez créé un programme spécialement consacré aux femmes. Pourquoi?
Nous pensons que le processus de modernisation passe nécessairement par le renforcement de cette portion de la population arabe qui représente 50% de la communauté. Aujourd’hui, le taux de pauvreté a dépassé les 50% dans la communauté arabe. Plus de 50% vivent en-deçà du seuil de pauvreté. En y regardant de plus près, l’on comprend que l’un des principaux facteurs qui y contribuent est l’absence des femmes sur le marché du travail. Seulement 30% d’entre elles travaillent, contre 67% chez les femmes juives. Pour combattre la pauvreté, il faut donc augmenter la présence des femmes arabes sur le marché du travail. C’est l’éternel question qui revient dans la communauté arabe. Ce changement ne doit pas être opéré depuis l’extérieur, même si le gouvernement doit continuer de créer du travail, mais plutôt il doit s’opérer depuis l’intérieur et passe par un changement de statut de la femme arabe. Il ne s’agit pas de créer du travail et d’empêcher les femmes d’occuper ces postes.

Vous avez également consacré un programme à l’apprentissage de la langue arabe. À qui s’adresse-t-il?
Il existe deux parcours: l’un pour les étudiants internationaux qui sont invités à venir passer 5 mois au sein de Givat Haviva, et l’autre pour les Israéliens qui sont invités à venir s’immerger pendant 12 mois. Pour ceux-là, le programme inclut notamment des visites et des séjours dans des villes et villages arabes. Il existe également des programmes plus courts.
Nous avons séparé ces deux parcours car la langue d’instruction n’est pas la même. Pour les étudiants étrangers, c’est d’abord en anglais puis en arabe, tandis que les Israéliens reçoivent un enseignement en hébreu, puis en arabe dès qu’ils sont prêts.
Notre programme a la réputation d’être un programme d’élite à travers le monde entier. Nous recevons des élus locaux, et des officiels de ministères étrangers de partout dans le monde. Il n’y a pas de profil-type: certains font ça pour compléter leurs premiers cycles d’études, d’autres pour leurs seconds cycles, d’autres encore sont là pour leurs doctorats pour lequel ils doivent mener des recherches dans une langue étrangère, certains sont diplomates, et d’autres viennent pour leur enrichissement personnel. Nous avons même déjà reçu une personne à la retraite qui souhaitait étudier la langue arabe. C’est un programme qui marche depuis 1963, le meilleur qui puisse exister.
En outre, Givat Haviva est idéalement situé dans le voisinage de villages arabes de sorte que ceux qui viennent étudier peuvent apprendre plus rapidement en s’immergeant dans ces villages. Notre campus accueille également une branche de l’Université Ouverte d’Israël qui comprend environ 1500 étudiants arabes avec qui nos étudiants peuvent s’exercer; c’est un campus riche et dynamique.

Qu’en est-il des autres programmes? Recevez-vous régulièrement des personnes de l’étranger?
Notre département dédié à l’éducation internationale est dirigé par une femme qui consacre les programmes éducatifs à l’enseignement d’une vision globale d’Israël: le «Israël à 360 degrés» («100% Israel»).
Le département offre des programmes exigeants qui commencent par une formule d’un cours de 2h pendant un mois. Les cours portent sur les citoyens arabes en Israël, les relations entre Juifs et Arabes, l’éducation pour la paix.
Nous avons d’ailleurs reçu le Prix Unesco de l’Éducation pour la paix que nous ont valu nos nombreux ateliers qui portent sur ce thème et sur celui de la résolution de conflits auquel nous avons dédié un département entier. Mais nous avons également des programmes sur l’Holocauste, le mouvement kibboutznique, le socialisme, et les questions traditionnelles.
Nous avons la plus grande collection de livres et de journaux arabes du pays, y compris les vieux journaux datant de 1901 et de 1905. La Bibliothèque Nationale d’Israël nous en empruntent. Comme certains étaient abîmés, nous avons fait reconnaître cette collection unique par l’Unesco si bien que nous avons pu bénéficier de fonds pour financer un traitement chimique. Aujourd’hui nous nous occupons de les numériser car certaines copies sont uniques dans le pays. Nous avons également toutes les archives des citoyens arabes d’Israël.

Quels sont vos projets à Givat Haviva? Des programmes en préparation?
En ce moment nous lançons justement un nouveau programme d’identification des problèmes sévères. Tout le monde sait que le moteur économique le plus important en Israël est le High-Tech (technologie de pointe). Or nous avons réalisé que seulement 2% de ceux qui travaillent dans ce domaine sont arabes.
En octobre prochain, Givat Haviva lancera «Graines de High-Tech» («Seeds of High Tech»), un programme destiné à augmenter le pourcentage de citoyens arabes dans le High-Tech israélien. Nous prévoyons de recruter chaque année 80 élèves entre ce qui équivaut à la troisième jusqu’à la terminale en France pour leur donner, à raison de deux après-midis par semaine, des cours de génie informatique qui seront accrédités par le Collège Académique de Netanya. Au moment où ils quitteront le lycée, ils auront donc déjà achevé 60% de leur licence («bachelor degree») et n’auront plus qu’à effectuer un an et demi pour compléter leur licence.
Tout le monde sait identifier les problèmes. Mais à Givat Haviva, nous nous spécialisons dans l’identification des solutions.

Vous êtes ici en France pour rencontrer des maires et autres décisionnaires, et vous poursuivrez votre périple dans d’autres villes d’Europe où vous rencontrerez d’autres acteurs des scènes sociale et politique. Selon vous, quel est l’impact de votre travail à l’étranger, à commencer par la France?
Je n’entends pas changer le monde. Je souhaite d’abord changer ma réalité. A partir de là, nous développons des leçons à intégrer et que les autres peuvent évidemment emprunter. Nous sommes en relation avec des groupes à l’étranger qui écoutent, apprennent, soulèvent des questions, et nous sommes ravis de partager nos découvertes avec eux. Mais notre objectif premier est le changement de la société israélienne et l’amélioration des relations dans le pays.
En dialoguant avec les associations «Les Amis de Givat Haviva» en France, nous avons réalisé qu’en Israël, nous avons la capacité de comprendre nos problèmes, mais aussi de leurs trouver des solutions. Alors plutôt que de crier et de se battre contre Israël, j’invite ceux qui s’y emploient à venir s’engager à nos côtés, à soutenir Givat Haviva. Ceux qui veulent critiquer sont invités à le faire uniquement de façon construite.
Je pense que la communauté juive de France peut tout à fait s’investir dans Givat Haviva, de même que la population arabe de France, et tous ceux qui soutiennent les principes de paix, d’égalité, de démocratie, et de stabilité. Tous ceux qui souhaitent rendre possible ces modèles de coexistence non pas seulement entre citoyens arabes et juifs en Israël, mais même entre cultures occidentale et orientale. Israël est notre laboratoire, c’est à cela que nous travaillons sur place.

Source CoolIsrael