vendredi 18 septembre 2015

Paracha Vayele'h : Sur la corde raide de la vie



À l’époque où l’Union soviétique était gouvernée d’une main de fer par les communistes, vivait un ‘hassid du nom de Reb Mendel Futerfas. Reb Mendel mit sa vie en danger à de nombreuses reprises dans ses efforts pour promouvoir l’éducation juive derrière le rideau de fer et fut incarcéré pendant près de 14 ans dans des prisons et des camps de travail pour le « crime » d’avoir enseigné la Torah...



Quand il était dans le goulag en Sibérie, il passait la plupart de son temps libre à étudier et à prier, mais il conversait également avec d’autres prisonniers, parmi lesquels certains étaient juifs et d’autres non. Parmi ceux-ci se trouvait un artiste de cirque renommé pour son incroyable talent de funambule.
Reb Mendel discutait souvent avec cet homme. N’ayant jamais assisté à un spectacle de cirque, il était totalement déconcerté par sa profession. Comment quelqu’un pouvait-il risquer sa vie en marchant sur une corde à une hauteur de plusieurs étages ? (C’était avant que les filets de sécurité ne se généralisent.)
« Vous montez là-haut et marchez comme ça sur une corde ? » lui demanda Reb Mendel, incrédule.
L’acrobate expliqua que, de par son entraînement et son agilité, il n’avait pas besoin d’être soutenu par des câbles et que, pour lui, ce n’était pas si dangereux que cela. Reb Mendel demeura sceptique et intrigué.
Après la mort de Staline, les autorités pénitentiaires assouplirent quelque peu leurs règles, et les gardes firent savoir aux détenus qu’ils seraient autorisés à monter un cirque improvisé le jour du premier mai. Il ne faisait aucun doute que le numéro du célèbre funambule serait le clou du spectacle. L’acrobate veilla à ce que son ami Reb Mendel soit dans le public.
En retenant leur souffle, tous regardèrent le funambule grimper le long d’un grand poteau jusqu’à la corde suspendue. Ses premiers pas furent timides et hésitants – cela faisait après tout plusieurs années depuis la dernière fois – mais, au bout de quelques secondes, tout lui revint. Ses mains virevoltant de toutes parts, il glissa pratiquement sur la corde vers le poteau à l’autre extrémité de la corde, puis, en un éclair, il fit demi-tour et reparti dans l’autre sens. En chemin, il fit plusieurs acrobaties. La foule était en délire.
Quand il eut fini, il se laissa glisser le long du poteau, fit une révérence et courut droit auprès de Reb Mendel.
« Et alors ? dit-il. Avez-vous vu que je n’étais pas tenu par des câbles ? »
Très impressionné, Reb Mendel répondit : « Oui. Vous avez raison. Pas de câbles ».
– Ok, vous êtes un homme intelligent. Dites-moi comment je m’y suis prit. Était-ce mes mains ? Étaient-ce mes pieds ? demanda l’homme.
Reb Mendel s’arrêta un instant, ferma les yeux et se repassa le fil des événements dans son esprit. Finalement, il dit : « Tout est dans vos yeux. Pendant tout votre numéro, vos yeux sont restés rivés sur le poteau opposé. »
« Exactement ! dit l’artiste. Quand vous voyez votre destination face à vous et vous ne la quittez pas des yeux, alors vos pieds vont là où ils doivent aller et vous ne tombez pas. »
Le funambule avait encore une question pour Reb Mendel. «  D’après vous, quelle fut la partie la plus difficile de mon numéro ? »
A nouveau, Reb Mendel réfléchit un instant. « Le plus difficile fut le demi-tour, lorsque vous avez dû changer de direction. »
« Encore gagné ! dit l’acrobate. Pendant une fraction de seconde, lorsque vous perdez le premier poteau de vue et que vous ne voyez pas encore l’autre, il y a un réel danger. Mais... si vous ne vous laissez pas distraire pendant cette transition, vos yeux trouveront ce poteau, et vous aurez votre équilibre. »

La paracha de cette semaine, dans laquelle nous sont relatés les événements survenus le dernier jour de la vie de Moïse ici bas, est appelée « Et Moïse alla » (Vayelekh Moché). Les commentaires soulignent que, même le dernier jour de sa vie, Moïse était plus dynamique que jamais, à aller de l’avant, à accomplir, à progresser, tirant le maximum de chaque précieux moment de vie.
Le message de Moïse pour nous, c’est que tant que nous avons un souffle de vie, il doit y avoir Vayelekh : explorer de nouveaux horizons, dépasser de nouvelles limites.
Comment pouvons-nous parcourir la corde raide de la vie sans trébucher ? La réponse est : en établissant des objectifs clairs et appropriés, et en restant concentré sur ces objectifs comme un rayon laser. La Torah nous donne une feuille de route pour une vie pleine de sens et d’accomplissements. Les objectifs y sont fixés et le but, défini.
Il est également intéressant de noter que cette paracha est souvent lue le Chabbat spécial qui sert de pont entre Roch Hachana et Yom Kippour, appelé « Chabbat Chouvah ». Ce Chabbat, nous lisons aussi une haftarah dans laquelle nous entendons les paroles des prophètes qui nous exhortent, nous supplient et nous appellent à améliorer la qualité de nos vies, voire de changer de direction, si cela est nécessaire.
Quand vous savez quel est votre but et votre destination, et que vous n’en détachez pas vos yeux, alors vous savez où mettre vos pieds. Même quand les choses changent, et que nous perdons momentanément de vue notre objectif, nous ne devons pas désespérer. Chabbat Chouvah nous enseigne qu’un changement de direction ne doit pas nous faire tomber dans le vide. Au contraire, nous pouvons et nous devons modifier notre progression avec élégance lorsque les circonstances changent, reprendre notre équilibre, et fixer notre regard sur le nouvel objectif.

Par Moché Bryski


Source Chabad.Org