lundi 30 novembre 2015

L’accord gazier avec Noble Energy (US) provoque toujours des remous … internes et externes



Quand les Israéliens tentent de s’affranchir de la tutelle américaine de leur pays … et qui plus est sur un sujet on ne peut plus stratégique, d’un impact majeur sur la planète entière : l’exploitation du gaz au large d’Israël...



Selon la police israélienne, des milliers de manifestants ont de nouveau manifesté samedi à Tel-Aviv en vue de dénoncer un accord gazier. Ils estiment en effet qu’il va favoriser l’émergence d’un monopole sur les ressources gazières d’Israël, au profit notamment d’un groupe américain.
D’autres rassemblements ont eu lieu également à Beersheva, pour dénoncer « le cadeau accordé », selon les termes même des manifestants, au consortium formé par le groupe énergétique américain Noble Energy et son partenaire israélien Delek. Au début du mois de novembre, des manifestations semblables avaient d’ores et déjà eu lieu dans quatre grandes villes du pays.


- Position de monopole et prix du gaz : un des nerfs de la guerre


Rappelons que les accords entre le gouvernement et le consortium avaient été remis en cause l’an passé par l’autorité de la concurrence, laquelle s’inquiétait également d’une situation monopolistique. Les compagnies sont soupçonnées de vouloir abuser de leur situation de monopole pour dicter les prix du gaz provenant des réserves israéliennes et influer sur le développement futur de ces réserves. En août dernier, Benjamin Netanyahu avait quant à lui déclaré que « le gaz qui arrivera en Israël contribuera aussi à réduire de manière considérable le coût de la vie».
Au final,  les points essentiels de l’accord demeurent les suivants : le fait que le prix du gaz soit rapporté ou pas à un index du coût de l’énergie entre le public et le privé. Lequel devrait être synonyme ou non d’une baisse des tarifs par rapport aux accords antérieurs passés avec Noble Energy et Delek Group. Le consortium doit par ailleurs s’engager à investir 1,5 milliard de dollars dans  le développement de Leviathan  au cours des deux prochaines années. Le non respect de cet engagement autoriserait le gouvernement israélien à modifier avant 2025 la réglementation fiscale et structurelle de l’industrie du gaz. L’accord-cadre conclu entre le gouvernement israélien et les sociétés exploitantes prévoit également que les compagnies cèdent une partie de leurs avoirs dans les gisements. En contrepartie, le gaz pourra être partiellement exporté, notamment vers la Jordanie, l’Égypte et et de l’Autorité palestinienne, avec tous les enjeux géostratégiques que cela induit …
Noble Energy et Delek Group exploitent ensemble depuis 2013 le gisement offshore de Tamar, à environ 80 kilomètres au large de Haïfa. Ils sont également associés en vue de développer Leviathan, vaste champ au large de cette ville côtière dont l’exploitation devrait commencer quand les réserves de Tamar commenceront à se tarir.


- Un accord extrêmement controversé au niveau national israélien


Après moult péripéties, cet accord gazier a été approuvé par le gouvernement de Benjamin Netanyahu et voté par le Parlement. Il doit néanmoins être présenté prochainement à la commission des Affaires économiques du Parlement, laquelle ne détient toutefois qu’une voix consultative. Mais selon des médias israéliens, des opposants à cet accord envisagent ensuite de faire appel devant la Cour suprême.
Depuis plusieurs mois, les militants de la gauche israélienne essaient de faire annuler l’accord auquel ils reprochent de ne pas démanteler le monopole du gaz. Des voix contradictoires se sont également faites entendre, pour ou contre l’accord a sein de la coalition gouvernementale.
Le 1er novembre dernier, alors que, suite au crash de l’avion russe au large de Charm-al- Charm el-Cheikh, le monde entier avait les yeux rivés sur l’Egypte – pays également impliqué dans les recherches gazières  en Méditerranée orientale – le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait annoncé pour sa part la démission du ministre de l’Economie Arye Deri, lequel  avait préalablement refusé d’user de ses prérogatives pour passer outre aux objections soulevées par l’Autorité de la concurrence, laquelle bloquait depuis des mois l’accord pour l’exploitation de champs gaziers au large des côtes méditerranéennes.
« Le ministre Deri m’a annoncé son intention de démissionner de son poste de ministre de l’Economie, qui va me revenir, et j’ai l’intention de confirmer l’accord », avait alors déclaré le Premier ministre. Son départ permettant alors de lever un obstacle majeur à la conclusion de cet important accord gazier.
« Aujourd’hui, nous avons franchi un grand pas pour faire avancer la fourniture de gaz à l’Etat d’Israël. Le gaz constitue le moteur de croissance numéro un d’Israël pour les prochaines années », avait ajouté le Premier ministre. « Nous ne serons plus dépendants de sources d’énergie d’origine étrangère », avait-il poursuivi. A noter qu’à l’heure actuelle, Israël dépend essentiellement des importations de pétrole et de charbon pour assurer son approvisionnement énergétique. La production de Tamar, destinée au marché intérieur, offre ainsi à Israël une indépendance énergétique pour plusieurs décennies.
C’est pourquoi le gouvernement Netanyahu tente en effet par tous les moyens d’accélérer l’exploitation du gaz naturel en Méditerranée. En juin 2015, son cabinet restreint avait pris la décision exceptionnelle de déclarer le projet comme relevant de la sécurité nationale, manière pour lui de s’affranchir des lois contre les monopoles.
 La remise en cause des accords existants avait toutefois rendu les investisseurs étrangers quelques peu circonspects, même s’ils demeurent toujours intéressés par le développement de ce gisement, l’un des plus importants découverts offshore dans le monde au cours de la décennie écoulée.



- La Banque d’Israël d’ores et déjà prête à agir


La Banque d’Israël se prépare d’ores et déjà quant à elle à l’accélération de l’exploitation du gaz. A la mi-novembre, la Banque a annoncé son intention d’acheter 1,8 milliard de dollars en 2016 en vue de « contrebalancer l’impact global de l’exploitation du gaz sur la balance des paiements d’Israël ».
L’établissement financier souhaite ainsi lutter contre la “maladie hollandaise”, phénomène économique suscité par l’accroissement des recettes d’exportations qui, à son tour, provoque l’appréciation de la devise. Inspirée du cas des Pays-Bas des années 1960, l’expression “maladie hollandaise” est utilisée pour désigner les conséquences néfastes d’une augmentation importante des exportations de ressources naturelles.
En mai 2013 que la Banque centrale d’Israel avait mis en œuvre une politique de rachats de devises en vue de se prémunir d’une réévaluation trop forte du shekel liée à l’exploitation du gisement Tamar.


- Accord entre Chypre et Israël sur un potentiel majeur de réserves énergétiques


Rappelons en fin qu’en  décembre 2010 un accord a été signé entre Israël et Chypre en vue de faciliter et de poursuivre les recherches off-shore d’hydrocarbures – de part et d’autre – dans la partie orientale de la Méditerranée … de gigantesques réserves de gaz ayant été alors découvertes dans la zone. Selon les contrôles de la commission gouvernementale israélienne mise en place pour gérer un fonds d’exploitation des ventes, les recettes prévues des gisements « Léviathan », « Tamar » et « Dalit » se monteraient à 100 voire à 130 milliards de dollars jusqu’en 2040.
Le groupe américain Noble Energy, alors principal opérateur du site indiquait alors pour sa part que  les réserves du gisement offshore de gaz naturel au large d’Israël baptisé Léviathan  étaient estimées à 450 milliards de m3.
« Cette découverte fait potentiellement d’Israël un pays exportateur de gaz naturel », avait alors souligné David Stover, haut dirigeant de Noble Energy, société basé à Houston, Texas. Confirmant ainsi les propos du le ministre israélien des Infrastructures nationales Uzi Landau. Lequel avait affirmé qu’ Israël pourrait devenir un exportateur de gaz … vers l’Europe  … au grand dam de la Russie.


- Russie et Syrie également partenaires en Méditerranée orientale


C’est fort discrètement que le 25 décembre 2013 – en pleine trêve des confiseurs – la Syrie a signé avec la Russie un accord pour le moins stratégique sur l’échiquier énergétique mondial. Et ce, sur différents aspects.
 Il s’agit tout d’abord du premier accord de prospection pétrolière et gazière signée par la Syrie dans ses eaux territoriales, alors que suite à de récentes découvertes, ses réserves off-shore sont considérées comme les plus importantes de la Méditerranée.

Le fait que Russes et Syriens agissent de concert  alors que le régime du président Bachar al-Assad est frappé de sanctions internationales, suite au conflit interne qui dévaste le pays, était également lourd de symboles.
 L’accord, d’une durée de 25 ans, a été paraphé au siège du ministère du Pétrole et des ressources minières à Damas par le ministre syrien du Pétrole, Sleimane Abbas, la Compagnie générale syrienne du Pétrole et l’entreprise russe Soyuzneftegaz. Le directeur général de la Compagnie générale syrienne du pétrole, Ali Abbas, soulignant à cette occasion, qu’il s’agissait du premier contrat accordant des licences d’exploration de gaz et de pétrole dans les eaux syriennes.

Autre élément notable : les zones concernées font partie des gigantesques gisements de gaz et de pétrole récemment découverts en Méditerranée orientale, aux larges de pays tels que …. la Syrie, le Liban, Israël et Chypre. Avec toutes les tensions potentielles que cela implique …
Nous avions également laissé entendre à plusieurs reprises que le gouvernement chypriote pourrait faire jouer la concurrence  en vue de monnayer l’octroi d’un prêt salvateur  … en l’échange de licences d’exploration d’immenses champs gaziers off-shore, la Russie étant confrontée à la troïka via l’intermédiaire de la BCE sur ce dossier.
En juillet 2013, à l’occasion du cinquantenaire du quotidien Al-Thawra, le président syrien avait répondu à plusieurs questions de journalistes. En réponse à l’un d’entre eux, lui demandant de faire la lumière sur les ressources en pétrole et en gaz des eaux territoriales syriennes, Bachar Al-Assad avait indiqué : « C’est la vérité, que ce soit dans nos eaux territoriales ou dans notre sol. Les premières études ont fait état d’importants gisements de gaz dans nos eaux territoriales. Puis, nous avons su que d’autres gisements s’étendaient de l’Égypte à la Palestine et sur tout le long de la côte ; ces ressources étant plus abondantes dans le Nord ».
Ajoutant : « certains disent que l’une des raisons de la crise syrienne est qu’il serait inacceptable qu’une telle fortune soit entre les mains d’un État opposant mais, évidemment, personne ne nous en a parlé de façon directe. C’est une analyse logique de la situation et nous ne pouvons ni la réfuter, ni la considérer comme une raison secondaire. C’est peut-être la raison principale de ce qui se passe en Syrie mais, pour le moment, elle reste du domaine de l’analyse. »


Source Le Blog Finance