vendredi 1 juillet 2016

Paracha Korah : Amorcer une réconciliation, c'est ça être un "grand"




La paracha de Kora'h décrit la ma’hloketh (dispute, opposition) la plus célèbre de la Thora, dans laquelle Kora’h et ses acolytes contestent le leadership de Moché Rabbénou. Quand Kora’h, Datan et Aviram se sont ouvertement opposés à Moché et à Aharon, Moché essaya de faire la paix avec eux. Il a tout d’abord tenté d’apaiser Kora’h et quand il échoua, il se tourna vers Datan et Aviram...





« Moché fit appeler Datan et Aviram, les fils d’Eliav… » [1] Rachi nous informe, en rapportant le Midrach Tan’houma, que Moché essaya de les calmer avec des « divré chalom » [2].
Le Midrach en déduit que l’on ne doit jamais s’obstiner et rester dans la ma’hloketh, mais plutôt s’efforcer de faire la paix [3].
Notons que la Thora nous enseigne cette leçon à la suite de la dispute entre Kora’h et Moché Rabbénou.
Dans cette ma’hloketh, le groupe de Kora’h avait déclenché la polémique et s’était comporté de manière déplorable. Néanmoins, Moché n’hésita pas à tenter de les calmer. La réaction de Moché dans cet épisode nous sert de leçon pour tous les autres différends.
Dans tout litige, les protagonistes ont tendance à mettre la faute sur leur adversaire. Par conséquent, les deux partis refusent les compromis, estimant que l’autre doit céder, ou s’excuser. Il nous faut apprendre du comportement de Moché dans cette ma’hloketh – il essaya de faire la paix bien qu’il fût parfaitement innocent.
Le ‘Hatam Sofer zatsal développe cette idée. Il remarque qu’il était très peu probable que Moché parvienne à apaiser Datan et Aviram par son discours, étant donné leur opposition permanente et continue à Moché.
Il existe une règle dans la Thora, appelée « ‘halakha », selon laquelle on présume que la situation passée perdurera. D’après ce principe, Moché n’avait pas besoin d’essayer de calmer Datan et Aviram, compte tenu de ses chances infinitésimales de réussir.
Pourtant, le ‘Hatam Sofer écrit que nous apprenons de ses tentatives de réconciliation, que nous ne devons pas se baser sur la ‘hazaka en ce qui concerne la ma’hloketh. Ceci, parce que la discorde est si nuisible, qu’il faut faire tout son possible pour rétablir la paix, peu importe les chances que l’on a d’y parvenir. [4]
La réponse de Datan et Aviram aux tentatives de Moché de les apaiser montre exactement ce qu’il ne faut pas faire dans une ma’hloketh. « Et ils dirent : "Nous ne monterons pas… même si tu crèves les yeux de ces hommes, nous ne monterons pas !" [5] »
Le ‘Hafets ‘Haïm zatsal écrit que ces paroles montrent à quel point Datan et Aviram étaient bornés et qu’ils refusèrent même de parler avec Moché. Il explique que quand ils dirent à Moché qu’ils ne lui parleraient pas même s’il « crevait les yeux de ces hommes », ils faisaient référence à leurs propres yeux ; ils préféraient donc perdre leurs yeux plutôt que de faire la paix avec Moché. Le ‘Hafets ‘Haïm en déduit que certaines personnes peuvent persister dans la ma’hloketh au point qu’elles sont prêtes à souffrir terriblement plutôt que d’être « perdantes » et de céder.
Dans le même ordre d’idées, il raconte l’histoire d’une discorde dans laquelle l’un des protagonistes risquait sa vie et sa famille risquait la prison. Quand sa femme désespérée l’implora de céder, il répondit qu’il était prêt à être emprisonné avec sa femme et ses enfants, pourvu qu’il « remporte » la ma’hloketh !
Pourquoi les protagonistes d’une dispute ont-ils tant de mal à se réconcilier ? Parce qu’il est très difficile d’assumer sa part de responsabilité dans la ma’hloketh. La nature humaine incite la personne à se concentrer sur les défauts d’autrui et sur ses propres points forts. Ainsi, quand elle se trouve mêlée à une ma’hloketh, elle a énormément de mal à s’avouer coupable de son intensification. Les mots du Malbim à ce sujet nous permettent de comprendre la nature erronée de cette attitude.
Le Malbim se retrouva une fois au sein d’une violente polémique. Ces disciples consternés lui demandèrent comment une telle controverse pouvait survenir, puisque la Thora nous dit, concernant la ma’hloketh entre Kora’h et Moché : « Il n’y aura plus comme Kora’h et sa faction » [6]
Les élèves en avaient déduit qu’il n’existerait plus de discorde aussi grande. Ils ne comprenaient donc pas comment le Malbim pouvait être mêlé à une telle ma’hloketh. Il leur expliqua que l’annonce de la Thora – qu’il n’y aura plus de telle querelle – avait un autre sens.
La Thora nous informe que l'opposition entre Kora’h et Moché fut la seule de l’histoire où l’un des partis a totalement tort et l’autre a parfaitement raison. Kora’h et ses partisans étaient entièrement coupables du développement de cette ma’hloketh.
De son côté, Moché agit correctement et de façon justifiée. Quand la Thora nous annonce qu’il n’y aura plus de tel conflit, elle fait référence à un cas où l’un des groupes se trompe complètement et l’autre a entièrement raison. Le Malbim assuma modestement sa part de culpabilité dans la ma’hloketh où il était impliqué [7].
L’explication du Malbim nous enseigne que celui qui est mêlé à une dispute ne doit pas penser qu’il a entièrement raison, puisque la Thora affirme que cela ne peut pas être le cas.
Au cours de sa vie, l’individu va inévitablement se trouver en conflit avec d’autres personnes.
Il doit alors faire un choix important : il peut légitimer son comportement et refuser obstinément d’avouer ses erreurs ou bien ravaler sa fierté, être le plus « grand » et amorcer la réconciliation. En optant pour le deuxième choix, il émule Moché Rabbénou – qui était prêt à parler à Datan et Aviram, bien qu’ils étaient les seuls fautifs.
C’est d’autant plus applicable dans les autres disputes, quand chacun des partis a une part de responsabilité. Et si l’un des protagonistes fait ce brave pas et s’excuse pour ses erreurs, l’autre doit d’autant plus s’efforcer de lui pardonner.
‘Hazal nous enseignent que celui qui pardonne à l’autre ses mauvaises actions méritera le pardon d’Hachem pour ses propres fautes.
En revanche, celui qui juge son prochain sévèrement et qui refuse de lui pardonner sera jugé de la même manière par Hachem, ‘has vechalom. Et peu importe à quel point l’autre est en tort, car nous commettons tous de graves erreurs envers Hachem et espérons toutefois être pardonnés.
Quand quelqu’un refuse d’assumer sa part de responsabilité, il ne fait que prolonger et intensifier l’amertume et la violence du litige et il se nuit dans ce bas monde et dans le monde à venir. Mais en prenant exemple sur Moché, il fait régner le Chalom.



[1] Parachat Kora’h 16:12.
[2] Traduit littéralement par “paroles de paix”.
[3] Rachi, Parachat Kora’h, 16:12.
[4] Tallelé Orot, Bamidbar, p. 278.
[5] Parachat Kora’h, 16:12-14.
[6] Parachat Kora’h, 17:5.
[7] Tallelé Oroth, p. 303.


Rav Yehonathan GEFEN


Source Torah Box